Coup de bambou pour la viticulture belge
03.10.2024
Lors de notre tournée des vignobles belges, certains viticulteurs nous ont confié qu’ils ne vendangeront pas cette année. « Après les gelées printanières et la grêle, la Belgique a connu une succession de records de précipitations. Beaucoup trop de raisins ont été abîmés pour que la vendange soit rentable ». Si cette vision apocalyptique n’est heureusement pas partagée par tous les vignerons que nous avons interrogés, tous ont été affectés à des degrés divers par les conditions météorologiques. Quelques témoignages :
Lodewijk Waes, de Wijndomein Waes:
« Bien entendu, vous suivez également les bulletins météorologiques. À la mi-août, ils annonçaient déjà de belles périodes ensoleillées, mais également un nouveau record de précipitations. Bien sûr, en Belgique ont y est habitué à la pluie, mais cette fois, tous les records ont été battus. Au printemps, ce qui nous a également affecté, ce sont les nuits trop chaudes. De plus, cet été, le vent d’est n’a pas soufflé. Le vent d'est est important parce qu'il sèche le vignoble, et protège le vignoble des maladies. Cette année, la chaleur associée à un le taux d'humidité élevé a entraîné l'apparition du mildiou au début de la période de végétation et de l'oïdium en plein été».
Martin Bacquaert, du domaine viticole Entre-Deux-Monts, à Heuvelland, en Flandre occidentale, confirme : « C'est une année extrêmement difficile, avec des gelées et de la grêle au printemps et un risque élevé de mildiou et d'oïdium. Nous avons maintenant (21.08.24) du mildiou sur les nouvelles feuilles et la pression de la maladie reste très élevée. Le travail de suivi est très intense et fastidieux... »
Lodewijk Waes : « En avril nous avons connu des températures de -4,5°C à certains endroits. Nous avons lutté avec les moyens du bord : câbles à lumière infrarouge, souffleurs à gaz et braseros pour limiter les dégâts. Mais ce n'était que le début. Le printemps détrempé a rendu le travail du sol très difficile. L’humidité fut aussi responsable d’une mauvaise floraison. Il fallait pulvériser toutes les semaines, pour limiter la perte de rendement. J'estime que mon rendement sera inférieur de 30 % par rapport à une année normale. Mais j'ai entendu dire que certains ne récolteront pas ».
Martin Bacquaert : « La situation n’est pas si grave, on n’envisage pas de ne pas vendanger. Les pertes sont importantes, mais nous espérons récolter plus de 50 % d'une année normale. »
Karel Henkens, de Wijndomein Aldeneyck, dans la vallée de la Meuse : «C'est en effet une saison pleine de défis. Mais il semble que j'aie eu de la chance. Grâce à la proximité de la Meuse, nous sommes assez protégés du gel. Jusqu’à présent nous n’avons pas été affecté par la grêle. Le mildiou est apparu, mais nous avons pu le maîtriser en éliminant au fur et à mesure les feuilles atteintes. En fait, le vrai problème pour nous a été la mauvaise floraison due aux abondantes pluies de mai et juin. Le Riesling et le Pinot noir ont particulièrement souffert. Heureusement, le Pinot blanc, le Gris et le Chardonnay se portent beaucoup mieux. Ils ont fière allure. Nous prévoyons de récolter 60 % d'une récolte normale ».
Vino : Avez-vous observer des différences de comportements entre les cépages hybrides les vitis vinifera ?
Lodewijk Waes : « J'ai les deux : Regent, Rondo, Cabernet blanc, mais aussi Chenin blanc. Cette année, ils étaient tous aussi mauvais les uns que les autres. Cela n'a fait aucune différence. Ce qui a aidé, c'est la taille très tardive au mois de mai. Nous l'avons réalisée sur les plants les plus anciens comme le Rondo et, étonnamment, nous n'avons jamais eu autant de fruits ».
Vino : Aurons-nous une année où l'on produira plus de vin mousseux et de rosé en raison de la perturbation du processus de maturation ?
Martin Bacquaert : « Nous ne produisons pas de rouge. Nous nous en tiendrons donc aux mousseux et aux blancs ».
Karel Henckens : « Lorsque nous constatons que notre Pinot noir précoce atteint déjà des valeurs de sucre de 80 Oechsle, nous pouvons faire du vin rouge sans problème. Mieux : il peut même s'agir d'une vendange assez précoce. »
Vino : comment utiliser toute la capacité de la cave quand on récolte beaucoup moins ? Jouer les négociants et acheter du raisin ou du moût à l'étranger ?
Martin Bacquaert : « Nous n'allons absolument pas le faire. Nous n'achèterons jamais de raisins à l'étranger, d'autres vignerons belges en aviseront... »
Karel Henckens : « Non, nous n'allons pas travailler avec des raisins étrangers, cela va complètement à l'encontre des principes de notre terroir. Nous sommes très attachés au style de la vallée de la Meuse limbourgeoise. »
Arnaud Leroy, Domaine des Agaises ( Ruffus)
« Nous connaissons un millésime problématique, comme tout le monde. De notre côté, c'est surtout la quantité qui fera défaut. Deux facteurs principaux, les gelées printanières (mai) et la coulure (juin). On est parti pour faire le plus petit rendement à l'hectare jamais enregistré (de moins 50 à moins 60%).
Niveau qualité, on est assez épargnés. Notre terroir est très ventilé, on a traité aux bons moments. Étant donné qu'il y a peu de raisins, on a juste un peu de retard sur les maturités, on devrait vendanger la dernière semaine de septembre. »
Vanessa Vaxelaire, Château de Bioul, Présidente des vignerons wallons.
« La nuit du 23 au 24/04 la Belgique connait un épisode de gel généralisé qui va toucher tous les vignobles wallons. Les pertes se chiffrent alors entre 50 à 90%.
Une météo clémente aurait permis une reprise d’un second bourgeon fructifère mais là encore, les pluies incessantes ont empêché les floraisons et propagé les maladies telles que le mildiou.
Résultat : la Wallonie perd entre 50% et 100% de sa récolte 2024 sans exception.
La bonne nouvelle, c'est que, pour ceux qui ont sauvé une partie de leur récolte, elle pourrait être très qualitative. Les petits rendements et les t° de cette fin d’été sont en effet de très bon augure… »
Photo en haut de l'article ©Coovi 'B', autres photos ©Piezo-Vanel