Saké de « Mié » une appellation protégée

Par Baudouin Havaux 

15.03.2021

Si vous commandez un saké au Japon, vous pouvez vous attendre à recevoir une bière, un vin ou n’importe quel alcool, car le terme saké englobe toutes les boissons alcoolisées. Par contre le Nihonshu se réfère au saké spécifiquement japonais, une boisson millénaire aux mille facettes, issue de la fermentation du riz. Peu alcoolisée ( titrant autour de 15%) il ne faut pas le confondre avec le baijiu, cet alcool chinois assez fort. À l’instar du vin, le saké nihonshu se déguste seul ou en accompagnement d’un repas.

En 2020, les producteurs de saké de Mié ont obtenu le Geographical Indication (G.I.) «  Mié ». Les normes à respecter pour l’obtention de ce label sont intimement liées au lieu de production d’origine. Située pratiquement au centre de l’archipel nippon, la préfecture de Mié longe du nord au sud l’océan Pacifique. Au nord se trouve la plaine côtière d’Ise, et à l’ouest, les moyennes montagnes de Suzuka et Nunobiki. La rivière Miyagawa qui traverse toute la région longe la chaine des monts Kii qui culminent à 1.695 mètres. Plus près de l’océan, la mer de Kumano morcelle la côte en chapelets d’îles abritant de nombreux petits ports de pêche et de plaisance. Avec une moyenne de précipitation de 4.000 mm. par an, le mont Odalgahara est connu pour être une des régions les plus pluvieuses du pays. Dans ces montagnes, la pluie arrose en abondance les forêts, où prennent naissance les nombreuses rivières qui traversent la région de Mié. Répétant un cycle immuable, elle s’évapore et retourne dans le ciel sous forme de nuages, pour retomber une nouvelle fois sur les forêts. Chaque saison étant l’occasion d’une rencontre avec la nature. Depuis l’antiquité, cette partie du Japon est surnommée «  la terre des plaines de roseaux et des rizières ». Parfaitement irriguées, elles offrent à sa population des récoltes abondantes. Pour les japonais, le riz n’est pas seulement un aliment de base, c’est aussi une offrande qui connecte les hommes à leurs « kamis » ( divinités). La préfecture de Mié est un centre culturel qui fédère tous les japonais. La tradition veut qu’il faut au moins une fois dans sa vie se rendre à Ise, le plus important sanctuaire shintoïste de l’archipel, berceau spirituel du pays qui s’étend sur près de 5.500 hectares.

Le saké japonais est élaboré à partir de riz et d’eau. Il existe plus de 170 variété de riz à saké. Le « kôji », un champignon microscopique, transforme l’amidon du riz en sucres afin de permettre une fermentation alcoolique. Pour pouvoir atteindre l’amidon qui se situe au cœur du grain de riz, on procède au polissage des grains. Le taux de polissage est un critère de qualité. Plus le grain est poli, plus haute est la concentration en amidon et meilleur est le saké. Attention le pourcentage indiqué sur l’étiquette « Seimai-buai » fait référence au taux résiduel de riz. Donc un saké super premium indiquant un taux de polissage de 50% sera de qualité supérieure à un saké standard de 70% de polissage.

Le saké nécessite une grande quantité d’eau qui représentant près de 80% du volume. L’eau est également utilisée pour le trempage et la cuisson. 50 litres d’eau sont nécessaire à l’élaboration d’un litre de saké. Pour s’y retrouver dans l’univers du saké il faut toujours avoir en tête trois critères principaux de différenciation. Le premier critère est l’ajout ou non d’alcool ou d’autre additif. Le saké élaboré exclusivement à partir de riz, sans additif, porte de le nom de « Junmai ». De qualité supérieure il ne représente cependant pas plus de 10% de la production du Japon. Le second critère est la pasteurisation ou pas. Le saké non pasteurisé est appelé » Namazaké ». Le troisième critère fait référence aux méthodes de fabrication. On en distingue deux principales. La première qui représente 90% de la production consiste à ajouter au riz cuit à la vapeur des levures et des bactéries lactiques sélectionnées «  Méthode Sokujo ». L’autre plus traditionnelle laisse les levures et les bactéries lactiques indigènes se développer spontanément « Méthode Kimoto ».

Substituable ou complémentaire au vin pendant le repas, le saké est assurément un choix judicieux sur certains accords difficiles avec le vin. Rien n’empêche d’alterner au cours du repas, vins et sakés. Le saké à l’avantage sur le vin rouge de ne pas contenir de tannin, et sur le vin blanc de ne pas contenir d’acide tartrique. Par contre il contient d’avantage d’acides aminés et surtout de l’acide glutamique ( Glutamate) et des peptides à l’origine de l’umami. L’umami équilibre, mélange et arrondit la perception globale des autres goûts, jouant un rôle d’exhausteur de goûts. Il provoque une sorte d’appétence et arrondit la perception de l’acidité. Le saké contient également plus de sucres résiduels qu’un vin sec. Plus concrètement, le saké est une option pour accompagner par exemple les fromages de type Conté ou Roquefort qui se marient difficilement avec les tannins du vin, mais aussi avec le foie gras ou les végétaux à l’amertume prononcée comme l’artichaut, l’asperge ou le chicon. Servi froid le saké s’accorde à merveille avec les poissons comme la lote, le cabillaud, ou le turbot, les coquillages et crustacés comme l’ormeau ou la langouste de la baie de l’Ise à Mié. Chauffé au bain-marie à 55°C il se marie magnifiquement avec notre filet américain ou le poulet rôti.

Quelques termes pour déchiffrer une étiquette de saké : 

Nigori : Saké non filtré

Happoshu : Saké pétillant (très populaire à Paris). L’effervescence est obtenue par refermentation en bouteille ou par ajout de gaz.

Bihapposhu : saké perlant

Koshu : saké vieilli en fût ou en cuve au minimum 3 ans.

Taru : saké vieilli en fût de cèdre

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