Interview avec Kathleen Van den Berghe : première femme Master of Wine d'origine belge
03.03.2025

Notre compatriote Kathleen Van den Berghe, propriétaire du Château de Minière dans la Loire, est la première femme d'origine belge à avoir obtenu le prestigieux titre de Master of Wine (MW). Ce titre, attribué aux professionnels du vin après un programme rigoureux d’examens et de formation, couvre tous les aspects du vin, de la viticulture à la dégustation. Il s’agit de l’un des plus hauts niveaux de reconnaissance dans le monde du vin. Un exploit que Kathleen doit à un travail acharné et une persévérance sans faille.
Vino.be est allé à sa rencontre pour comprendre ses motivations et son parcours exceptionnel.
Quelle était votre motivation pour entreprendre cette formation ?
J’ai toujours aimé apprendre et relever de nouveaux défis. Cela peut sembler surprenant, mais passer des examens ne m’a jamais effrayée, au contraire, je trouve cela très stimulant. Après avoir suivi des formations en œnologie chez Syntra et obtenu les différents niveaux du WSET, m’inscrire au Master of Wine était la suite logique pour approfondir mes connaissances. J’ai toujours admiré Fifi Brindacier, le personnage de bande dessinée, dont la devise est :
"L’intelligence, c’est ma force, et si je ne l’ai jamais fait, donc je peux le faire."
C’est cet état d’esprit qui m’a poussée à relever ce défi.
Combien de temps avez-vous consacré à cette formation ?
Je me suis inscrite en 2016, mais en 2017, j’ai dû mettre ma formation entre parenthèses pour des raisons familiales. J’ai repris en 2018, et cette même année, j’ai réussi la partie théorique du premier coup. En 2019, je me suis consacrée à la partie pratique, mais en 2020, la crise du COVID a de nouveau interrompu mon élan. Il m’a fallu encore un certain temps avant de pouvoir reprendre et finaliser ma formation.
Quel était le sujet de votre thèse (Research Paper) ?
J’ai toujours été fascinée par les défauts du vin. En tant que viticultrice, c’est quelque chose que je ne peux pas admettre. Il n’y a aucune excuse pour vendre une bouteille présentant une anomalie, même légère. C’est le devoir du producteur d’éliminer toute odeur ou saveur désagréable.
Je me suis donc intéressée aux anisoles, des composés organiques responsables de mauvais goûts, une altération qui résulte souvent de mauvaises conditions de vinification ou de stockage. J’ai développé et testé trois techniques permettant de réduire ces composés, d’abord en laboratoire à Anvers, puis dans mon propre garage.
En tant qu’ingénieure de formation, ces aspects techniques de l’œnologie me passionnent. Pour l’anecdote, j’ai toujours été intriguée par une astuce que l’on m’avait enseignée : plonger un film de cellophane alimentaire dans un vin présentant un goût de bouchon. Comme par magie, le défaut disparaît ou, du moins, s’atténue considérablement ! Cette expérience a sans doute influencée mon choix.

Quelle a été la partie la plus difficile de cette formation ?
Le plus difficile a été de me remettre sur les rails après mes deux interruptions forcées. Pendant ces périodes de "pause", je me suis rendu compte que je pouvais consacrer mon temps à autre chose : ma famille, mon domaine, ou même des loisirs. Reprendre après plusieurs mois d’arrêt a été un véritable défi.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer dans le Master of Wine ?
Avant tout, faire preuve d’humilité. Il faut être prêt à affronter des échecs, à rater certaines épreuves et à devoir les repasser. Cela demande un grand travail sur soi.
Ensuite, il est essentiel de prendre du plaisir dans le processus. Comme je le dis souvent :
"Enjoy the experience."
Il faut aborder cette formation comme un jeu et aimer le challenge.
Enfin, il faut être conscient que cette formation demande un investissement conséquent, tant en temps qu’en argent. Au-delà des frais d’inscription, il faut prévoir l’achat de vins du monde entier et de nombreux déplacements. C’est un engagement total.
Qu’est-ce que ce titre va changer dans votre vie professionnelle ?
J’espère que ce titre me permettra d’être reconnue comme une professionnelle et intellectuelle dans le secteur viticole. Il m’apportera également une visibilité qui me permettra de me démarquer et de renforcer la notoriété de mon domaine, le Château de Minière.
Mais cette reconnaissance, je veux aussi la partager avec mes confrères vignerons de Bourgueil et, plus largement, avec tous les producteurs de la Vallée de la Loire.

Comment voyez-vous l’avenir des vins de la Loire et du Château de Minière ? Quels seront les défis à affronter ?
Il est vrai que la Loire s’en sort mieux que certaines autres régions viticoles. Cependant, tout n’est pas rose. Je vous invite à venir à Bourgueil et à observer le nombre croissant de vignobles laissés à l’abandon.
La Loire a toutefois un atout : elle bénéficie actuellement des effets positifs du changement climatique. Le Cabernet Franc atteint presque chaque année une maturité optimale et gagne en reconnaissance auprès des amateurs de vin.
Pour assurer notre avenir, nous devons aussi miser sur le tourisme, qui est moins dépendant des aléas climatiques. Plus particulièrement chez au château de Minière, nous avons réduit la superficie de notre vignoble pour nous concentrer sur les meilleures parcelles. L’objectif est de leur apporter tous les soins nécessaires, d’autant que ces soins deviennent de plus en plus exigeants et coûteux avec le changement climatique.
Les coûts sont particulièrement élevés pour nous, qui travaillons en bio et en biodynamie. Mais nous n’avons pas le choix : nous devons nous hisser au sommet de la pyramide de qualité.
Vous souhaitez en savoir plus sur le domaine du Château de Minière et leurs vins, visiter leur site : www.chateaudeminiere.com
Vous souhaiter en savoir plus sur le Master of Wine (MW), visiter leur site: www.mastersofwine.org